Synergies Turquie, no.12, pp.103-119, 2019 (Scopus)
Cet article a pour but d’analyser Knock ou le triomphe de la Médecine, le texte
dramatique en trois actes de Jules Romains, publié en 1923. S’inspirant largement
de Molière, Romains a fait d’une part la satire de la médecine, de l’autre, il a
créé un personnage qui se présente comme un médecin agissant plutôt comme un
homme d’affaires avisé ou comme un publicitaire. Ce personnage, Knock, s’invente
un ethos bien efficace, quoique fallacieux, par sa grande capacité à pouvoir
tromper ses interlocuteurs via son logos. Cette étude vise donc à mettre au jour les
procédés argumentatifs auxquels recourt Knock pour construire un ethos discursif
crédible auprès de ses patients. La méthode d’analyse utilisée dans cet article est
celle de l’école française d’analyse du discours, et l’étude sera basée notamment
sur les concepts tels que l’ethos et l’argumentation. Alors que pour Aristote, la
sincérité et la bienveillance figuraient parmi les trois axes constitutifs de l’ethos (le
troisième étant la compétence), celles-ci ont perdu de leur valeur avec le temps.
Les expériences de l’Humanité ont montré que les locuteurs pouvaient construire
un ethos efficace sans pourtant être sincères ni bienveillants. La compétence, qui
désigne dans la rhétorique d’Aristote « les choix délibérés qu’on effectue pour
résoudre un problème », peut être suffisante pour construire une image de soi fiable,
fût-ce pour un temps délimité. Ainsi, un menteur ou un manipulateur compétent
et habile a toutes les chances d’être crédible et d’obtenir de la sorte son objet de
valeur.